Amie de longue date de Jacques Barillon, Elizabeth Teissier est mondialement célèbre. Elle a d'abord fait des études universitaires, puis une carrière de cover-girl internationale et d'actrice, avant de venir à la science des astres en 1970. Depuis, elle a animé plusieurs émissions de télévision, écrit plus de trente livres traduits dans quatorze langues (dont le chinois). Elle conseille des personnalités de premier plan, notamment des responsables politiques.
En avril 2001, Elizabeth Teissier recevait en Sorbonne le titre de docteur en sociologie, après avoir soutenu une thèse sur l'attitude paradoxale de notre société face à l'astrologie. Ce fut un événement, une tempête, une "affaire". Cette thèse a été publiée chez Plon en 2001 sous le titre "L'homme d'aujourd'hui et les astres, fascination et rejet".
Elle a préfacé, sous forme d'astroscopie, l'un des ouvrages de Jacques Barillon, Mes quatre vérités.
Une Vierge atypique.
"Ainsi, puisque te voilà tiède, ni chaud ni froid, je vais te vomir de ma bouche." Sans crainte de se tromper, on peut certes affirmer que cette menace sacrée extraite de l'Apocalypse de St. Jean ne concerne en rien J.B., preuve vivante de la complexité de l'astrologie et du danger de généralisation qu'elle implique.
Né le 29 août 1950, à 16 heures à Genève, JB. en tant que Vierge-Ascendant Capricorne (deux signes de terre) se devait d'être essentiellement raisonnable, réaliste, pratique, pragmatique ... et prudent. Or, si certaines de ces qualités sont bien caractéristiques de ce personnage complexe et haut en couleurs, habité de maintes contradictions, il n'en va pas de même pour d'autres traits, modulés et modifiés par le contexte planétaire de son ciel de naissance. Et si, comme il se doit pour cette signature terre, l'on trouve effectivement réserve, pudeur et distance par rapport à l'engagement affectif (ce dernier est éprouvé comme un terrain glissant, à fuir comme la peste dans la mesure où le contrôle de la situation vous échappe!), ici nulle trace, en revanche, de lâche pusillanimité: la passion l'emporte, et le souci d'agir à tout prix, quitte à prendre s'il le faut des risques - corollaires de ce qu'il estime être ses responsabilités morales.
Pourtant, ce n'est pas faute de douter et de s'interroger - c'est normal: impossible d'oblitérer totalement ni la prévoyance virginienne ni la prudence capricornienne, dont la racine est à chercher dans l'angoisse. Le calcul et la stratégie sont là, mais sans la mesquinerie du pense-petit.
Un être en crise permanente
Angoisse, le mot est lâché, pierre angulaire de ce ciel natal. Notamment en vertu de sa puissante composante Scorpion (son secteur VIII est très habité, voilà pour le spécialiste!). Cette facette plutonienne est si forte (Pluton régit le signe du Scorpion), qu'elle transparaît sur la morphologie du sujet: regard sombre et perçant, magnétique, yeux bien enfoncés dans leurs orbites, visage tourmenté, dit "rétracté" dans le jargon des morpho-psychologues.
Le "sentiment tragique de vie" dont parle le poète Miguel de Unamuno ne semble pas étranger à JB, qui baigne dans un univers de constante remise en question, de doutes métaphysiques et d'interrogations existentielles d'autant plus dérangeantes du fait de l'anxiété nerveuse de la Vierge et de l'idéal du Moi typique du Lion.
Deux planètes sur les dix du système solaire se trouvent en effet dans ce noble signe: Pluton, symbolique de pouvoir, qui régit la carrière, les honneurs, et Vénus, symbolique des amours - compliquées, idéalisées - mais aussi de l'expression de soi. Celle-ci, en l'occurrence, passe obligatoirement par l'art et l'esthétique, notions essentielles.
Créativité, sécrétivité et goût du pouvoir
D'où un besoin urgent de créer ... et de dominer - apanage du Lion. Une créativité exigeante, colorée de doutes perfectionnistes. D'où aussi des amours constamment sapées par une remise en question ravageuse- cette configuration évoque le jouet que l'enfant jette contre le mur pour éprouver sa résistance: JB., sceptique et tourmenté, doute à son corps défendant, viscéralement, de l'attachement d'autrui. Quitte à en souffrir à l'occasion. II le doit à cette rude bataille que se livrent en lui le c?ur et la Raison, domaine de prédilection de la Vierge. En quête constante de certitudes, il les refuse secrètement par ailleurs. C'est l'insolent triomphe du Doute.
Cette facette plutonienne tourmentée, amoureuse de mystère et de secret, reflète également un goût prononcé pour le pouvoir, une forte volonté de puissance qui peut se faire protectrice pour son prochain. Le pouvoir comme antidote au doute sur soi, comme façon de s'éprouver et de se prouver, d'être jaugé et jugé.
Cependant apparaissent aussi, en particulier à travers la Lune dissonante, des difficultés relationnelles - on se méfie, on ne se donne pas, on se cache - cela de préférence face au sexe dit faible. Idéaliste en amour, J.B. qui place la femme sur un piédestal peut être à l'occasion agacé par la frivolité ou "l'inconséquence" féminines, frisant parfois une certaine misogynie. Les relations à la mère dans l'enfance sont certainement à incriminer en l'occurrence... Cela peut aboutir à une véritable fermeture avec certains êtres et sous certaines configurations, donnant l'impression au sujet d'être totalement étranger au monde qui l'entoure, voire aux êtres aimés. Un "splendide isolement" qui peut remplir JB d'une certaine mélancolie.
Mais comme par ailleurs il goûte le secret, comme il déguste le retrait et la retraite - il s'y ressource et s'y retrouve -, il y a dans ces états d'âme un je ne sais quoi de délectation morose du plus pur romantisme.
Les valeurs de nuit qui priment dans ce ciel, ainsi que la riche composante Poissons prédisposent ce Lunaire au rêve, à la poésie, à la fuite dans des régions éthérées qui n'ont plus rien de commun avec ses activités quotidiennes. Là au contraire, il déploie les trésors de rationalité, de logique et de rigueur propres à la Vierge, la conscience professionnelle et le sens des responsabilités typiques du Capricorne. Oubliées, les fumeuses et mystiques rêveries contemplatives des Poissons, leur sensibilité d'écorché vif, qui, bien souvent, passera pour une susceptibilité malvenue!...
Dans et hors-la loi
Une singulière ambivalence apparaît dans ce ciel natal quant à la position du sujet à l'égard de la loi: une ouverture, une facilité, une familiarité semblent coexister avec une relative inadéquation, une révolte secrète, voire un refus de l'autorité et de son caractère arbitraire. Reflet probable du conflit entre l'esprit et la lettre... Une ambiguïté en tout cas qui permet à J.B. de se glisser dans la peau de celui qui la transgresse, du hors-la-loi, condition sine qua non peut-être de l'efficacité de l'homme de loi qui se refuse à renier son humanité. Le prêtre, pour mieux reconnaître Dieu, ne doit-il pas avoir rencontré le diable? Ce qui ressort avec clarté de l'opposition entre Jupiter (la loi, l'autorité, les usages...) et le Soleil (le Moi du sujet): J.B. ne fait rien comme tout le monde. II se sent mieux dans la marginalité ou l'opposition; et d'autre part, hurler avec les loups ne l'intéresse pas: un fort Uranus, planète insurrectionnelle de la désaliénation et de l'émancipation lui garantit un individualisme sauvage. Mais tout cela ne doit pas l'empêcher d'atteindre à la reconnaissance sociale; François Mitterrand, doté de ce même aspect planétaire (dissonance Jupiter/ Soleil)), en a apporté la preuve magistrale.
J. B. et l'argent
Même ambivalence en ce qui concerne l'argent, domaine qui ressort dans ce ciel comme une épine dans le pied du natif, un sujet d'épreuves ou de jalousie. Non pas, certes, que les gains brillent par leur absence, au contraire: Jupiter, planète de l'abondance, siège dans ce secteur -ennemis et envieux en seront marris. Hélas, cette même planète gouverne la Maison XII, celle des inimitiés et des épreuves cachées.
Conclusion: dans ce domaine moins que dans tout autre, on ne saurait faire preuve de tolérance à l'égard de J.B.- le destin lui-même ne pardonnera aucun laxisme, aucune bavure à celui dont la chance financière paraît assurée, mais qui ne met pas l'argent en tête de son échelle de valeurs - n'en déplaise aux médisants. L'opposition du Soleil à ce même Jupiter marque même une certaine distance par rapport aux espèces sonnantes et trébuchantes mais comment les matérialistes pourraient-il comprendre et admettre une telle attitude qui, quelque part, leur apparaît scandaleuse, crime de lèse-majesté ?
Quel cocktail astral fascinant que le vôtre, Jacques Barillon! Mélange de pragmatisme et de rêve, de noir scepticisme et de foi vivace, de volontarisme pugnace et d'abandon mystique, d'ambition dévorante et d'idéal de bonté... Si l'on ajoute à cela une irritabilité nerveuse qui peut être ressentie comme de l'agressivité, son côté speed qui reflète une permanente impatience intérieure - ne sait-il pas d'avance ce que vous allez lui rétorquer ? -, on a du mal à imaginer cette disposition à la sérénité qui, avec son goût inné du partage et de l'équité, son sens de la justice, constitue le pivot de sa personnalité.
Un animal social et politique
Car c'est une tendance généreuse, voire oblative qu'on découvre au détour de ce thème natal. Voilà un côté du personnage que sa pudeur virginienne prend soin de cacher et que certains se plaisent bien volontiers à occulter, ceux-là même qui ne voient en lui qu'un Rastignac du barreau prêt à tout pour arriver. Mais la loi d'Hermès nous apprend que nous ne sommes sensibles qu'à ce qui nous ressemble; on peut parier dès lors que ceux qui lorgnent J.B. par le petit trou de la serrure manquent peut-être eux mêmes d'envergure: ils ne voient pas la dimension d'exigence du personnage.
Oui, les énergies planétaires qui ont présidé à la naissance de ce dernier l'ont dévolu au service social: il ne doit jamais l'oublier. Il lui appartient, à travers une action altruiste et innovatrice, de réformer et redresser ce qui a besoin de l'être, de payer de sa personne, et je crois - je sais! - qu'il s'y emploie. Il en va de sa vocation karmique, du sens ultime de son existence ici-bas: celle-ci est indissolublement liée à l'engagement social, à l'action musclée - voire belliqueuse - et réformatrice, entreprise au bénéfice de ses semblables, son égo dût-il en souffrir parfois.
Moralité: vous devez, cher Jacques, vous résoudre à jouer longtemps encore, d'une façon ou d'une autre, le rôle de défenseur des faibles (des jeunes surtout: vous disposez d'une réelle hyper-conscience par rapport aux problèmes de la jeunesse, votre Lune Noire en Maison V dixit!), accepter d'être le défenseur de la veuve et de l'orphelin, être ce chevalier sans peur et sans reproche qui doit faire triompher la vérité aux dépens de l'hypocrisie et du conformisme stérile, bref incarner le personnage - fût-il dérangeant pour les bourgeois passéistes et assoupis - du Zorro de la justice helvétique. Votre ciel vous y prédispose, comme il vous prédispose à la politique - le Capricorne est statistiquement, avec le Lion, le signe qui recrute le plus d'hommes politiques. Mais attention: le Capricorne évolué a la Vérité pour religion. Or, Marguerite Yourcenar l'a bien dit: "toute vérité apporte le scandale."
Mais cela ne saurait vous freiner, J.B., vous qui, par votre vocation très Scorpion (Milieu du ciel dans ce signe), ne manquez pas, à côté de l'attirance pour le mystère que vous n'avez de cesse de vouloir élucider, d'un certain goût - devrait-on dire d'un goût certain ? - pour le défi et la provocation.
Genève, août 1995.